L’instant lecture #3 : Docteur Rat de William Kotzwinkle.

« Vous n’êtes que des prototypes frères rats ! Ne comprenez-vous pas ce que cela signifie ? Un prototype n’a pas de sentiments, n’a pas de pensées. L’homme a le droit de nous manipuler, de nous affamer, de nous couper la queue. Parce que c’est la Loi ! N’avez-vous donc pas lu Saint Thomas d’Aquin ? Les animaux n’ont pas d’âme »

C’est avec cette quatrième de couverture effrayante que nous entrons dans l’univers intrigant & étrange de Docteur Rat, un roman écrit en 1976 par William Kotzwinkle.

Dans un laboratoire animalier, Docteur Rat, un rongeur devenu fou suite aux nombreuses expériences qu’il a subi, a fini par rejoindre la cause de ses propres bourreaux. Dans ce lieu où meurt dans d’atroces souffrances des dizaines d’animaux par jour, Docteur Rat n’hésite pourtant pas à prêcher une soumission totale à la science auprès des victimes encore vivantes. Mais la colère gronde dans le laboratoire & le délire masochiste du Docteur Rat ne pourra pas empêcher le soulèvement des prisonniers qui en ont assez de souffrir inutilement pour les hommes.

Un résumé qui peut faire penser à La ferme des animaux, mais l’échos à la célèbre oeuvre de George Orwell s’arrête là. Docteur Rat de William Kotzwinkle n’est pas La ferme des animaux bis.

Docteur Rat se caractérise par la présence de plusieurs intrigues. Vous connaissez déjà celle qui a lieu dans le laboratoire animalier, où le Docteur Rat devra faire face à la révolution de ses congénères, mais il y a aussi d’autres chapitres où l’on suit des animaux à l’extérieur du laboratoire. Entre les deux intrigues le ton diffère.

D’un côté, nous sommes en compagnie du Docteur Rat qui nous décrit, non sans délectation, la cruauté des expériences auxquelles il adhère totalement. Le choix de placer le Docteur Rat comme narrateur nous plonge dans la psychologie de ce personnage déjanté & nous permet de nous rendre compte à quel point ces expériences menées – véritables tortures – sont absurdes. D’ailleurs le raisonnement de Docteur Rat est lui-même absurde :

« Comment ces rats peuvent-ils être si égoïstes ? Le fait que nous n’ayons pas encore découvert l’importance primordiale qu’il y a à coudre deux rats ensemble ne signifie pas que nous ne finirons pas par trouver. Nous continuerons à coudre »

Les chapitres du Docteur Rat sont cyniques avec des dialogues parfois même drôles, ce qui nous donne l’occasion de relâcher un peu la pression face à cette atmosphère pesante où le trépas est la seule occasion de se libérer de cette enfer (d’ailleurs c’est ce que scande en boucle Docteur Rat « La mort c’est la liberté ! », qui n’est pas sans rappeler encore une fois Orwell avec 1984 avec le slogan de l’Angsoc qui se termine par cette phrase ; « La liberté, c’est l’esclavage »).

Côté extérieur du laboratoire, l’approche est différente. Il n’y a pas de narrateur précis. Ainsi, chaque chapitre hors laboratoire suit le parcours d’une espèce différente, mais toutes semblent se rejoindre à un événement : le grand rassemblement. Une rencontre d’une envergure mondiale organisée par qui ? pour quelles raisons ? Des questions qui restent en suspens, mais ce que nous pouvons nous rendre c’est toutes ces espèces animales que nous suivons, qu’elles soient libres ou emprisonnées, sont finalement toutes plus ou moins victimes de l’homme. Ces récits sont importants parce qu’ils montrent que quelle que soit la vie d’un animal sur Terre, elle est toujours menacée par l’humanité. Pourtant certains moments tendent à nous donner de l’espoir, comme celui des hommes parvenant à sauver les cétacés d’horribles baleiniers, mais d’autres nous plongent au contraire dans une infinie tristesse, comme le récit de la poule pondeuse. Tous ceux ayant déjà vu comment se déroulait la vie d’un animal de rente, seront frappés par la justesse des mots choisis par William Kotzwinkle.

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Un roman antispéciste avant l’heure ? Peut-être pas, mais ce qui est sûr c’est que Docteur Rat interroge sur notre rapport à l’animal & sur les traitements que nous lui infligeons. Un autre message sociétal est perceptible à la conclusion du roman, mais je ne préfère pas vous en parler pour ne pas vous gâcher la lecture, car pour moi Docteur Rat est une oeuvre à découvrir absolument. C’est une pépite littéraire méconnue qui peut se placer entre toutes les mains même dans celles de ceux qui ont du mal à supporter la violence faîte aux animaux, car même si certaines lignes sont plutôt dures à lire, l’aspect fictionnel du livre & le personnage déjanté du Docteur Rat vous aidera à prendre du recul sur les sévices dépeints par l’auteur.

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En plus j’adore l’édition Cambourakis. 

Suppléments d’infos : 

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2 réflexions sur “L’instant lecture #3 : Docteur Rat de William Kotzwinkle.

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