Les animaux mascottes ; autres acteurs de la Grande Guerre.

Lorsque nous pensons aux animaux durant la période 1914-1918, nous avons en tête ces animaux soldats, véritables héros, prêts à tout pour aider les armées auxquelles ils ont été affectés. Pourtant, ces guerriers à poils ou à plumes n’ont pas été les seuls acteurs non humains lors de la Guerre des tranchées, car les mascottes animales, même si elles ne n’ont pas combattu au front, ont elles aussi joué un rôle important auprès des combattants.

DES MASCOTTES OFFICIELLES & OFFICIEUSES

De nombreuses années avant la Première Guerre mondiale, des animaux remplissaient déjà le rôle de mascotte dans certaines armées, en particulier chez les britanniques. Les animaux provenaient surtout des colonies où stationnaient des troupes & sont donc arrivés avec leurs groupes respectifs lorsque le conflit a commencé. Comme les troupes venaient d’autres continents, les animaux mascottes étaient souvent des espèces exotiques. Ainsi, il était possible de voir selon les troupes un bouc du Cashemir, un coq Bantam, une antilope, des oursons canadiens, ou même un lionceau.

Rapoul Lufbery avec Whisky, une des mascottes de l’escadrille. (Photo : DR)

Ces mascottes, en contact avec l’homme depuis leur plus jeune âge, vivaient aux côtés des soldats, qu’elles suivaient partout, parfois même jusqu’au front (mais la plupart du temps, elles étaient à l’abris, en retrait du conflit), ce qui pouvait donner des scènes assez étonnantes, comme le témoignage ci-dessous du major général de la 19ème Division assistant à la rencontre incongrue du Premier Ministre du Royaume-Uni de l’époque & de Poilu, un lionceau qui se promenait librement dans les tranchées aux abords d’Ypres entre le Printemps 1916 & l’Automne 1917 :

« Mon quartier général était alors dans la colline Scherpenberg, un point de vue d’où les visiteurs de marque pouvaient venir voir les obus éclater […] M.Asquith vint un jour, mais son ascension vers le sommet de la colline a été interrompue par la rencontre face à face avec Poilu. « Je peux me tromper, dit-il, mais ne vois-je pas un lion sur le chemin ? »

Un renard, mascotte officielle de la Royal Air Force, sur un avion avec un pilote.

Contrairement aux animaux soldats (et aux mascottes officieuses, mais ça nous le verrons plus tard), elles étaient choyées autant que possible. Ainsi, il n’était pas étonnant de voir un chimpanzé habillé en hiver pour supporter le froid, ou de rencontrer une chèvre dotée d’un chapeau de paille pour affronter un long voyage sous un soleil cuisant. Toutefois, certains animaux, devenus encombrants finissaient par être donnés, comme Poilu, qui finalement a été confié à un zoo.

Mais derrière les mascottes officielles se cachaient aussi les officieuses, celles qui n’étaient pas reconnues ni enregistrées par la hiérarchie. Il s’agissait d’animaux domestiques abandonnés par les civils ou d’anciens animaux soldats bléssés au combat à qui l’on laissait la vie sauve, comme ce fut le cas pour l’âne Constantin aux oreilles arrachées & à l’oeil crevé par un obus à Verdun en 1916. Certaines mascottes officieuses étaient aussi des animaux sauvages, recueillis suite à une blessure ou tout simplement capturés.

Un soldat du régiment de Lancaster avec un chat dans les tranchées près de Cambrain en 1916

La vie de ces mascottes officieuses étaient bien souvent plus rudimentaire que celles de leurs homologues officiels. Même si les animaux domestiques semblaient plutôt à l’aise avec les soldats humains, ce n’était pas le cas des espèces sauvages qui souffraient d’une grande anxiété suite à une proximité soudaine avec l’homme. Beaucoup d’entre elles mourraient d’ailleurs à cause de leur inadaptation à la captivité. Le fait que ces animaux n’étaient pas approuvées ni reconnus par la hiérarchie, menaient aussi à des scènes dramatiques, où les soldats se voyaient obligés de les tuer ou au mieux, de les abandonner lorsque la vie au front se compliquait (rations alimentaires qui diminuaient drastiquement ou changement de lieu par exemple). Une double tristesse ; car d’un côté certains animaux étaient devenus dépendants aux niveaux affectif & alimentaire, mais de l’autre côté les hommes aussi avaient noué une amitié.

« Lorsqu’une batterie française ayant recueilli un âne blessé doit quitter Verdun, les soldats insistent auprès du lieutenant pour l’emmener, mais l’officier refuse de peur d’une remontrance de sa hiérarchie et l’animal qui veut suivre, se voit attaché à un arbre, ne peut que regarder s’éloigner le groupe en émettant des « braiments plaintifs », aux dires du lieutenant lui-même attristé, qui ne plaque pas simplement son émotion sur l’animal mais qui est disposé par elle à écouter les sons des fréquences adaptées pour qu’elles soient compréhensibles par les congénères et d’autres espèces »

Bêtes de tranchées : Des vécus oubliés, Eric Baratay 

UN SOUTIEN MORAL

Car ces mascottes, qu’elles soient officielles ou non, étaient un véritable soutien pour les hommes ayant tout laissé derrière eux pour partir au combat. Ils n’étaient plus seulement des animaux, ils devenaient leurs amis, leurs confidents. Certains soldats s’offusquaient d’ailleurs quand quelques uns de leurs frères d’armes ne comprenaient pas leur affection pour ces êtres non humains :

« Et lorsque le caporal demande au soldat s’il élève ce cochon dans le but de le manger un jour, avec la section, l’homme lui répond furieux : « Me prenez-vous pour un fichu cannibale ? »

Bêtes de tranchées : Des vécus oubliés, Eric Baratay

S’il y avait tant d’adoptions officieuses malgré l’interdiction formelle de leurs hiérarchie (les mascottes officielles existaient aussi dans ce but), c’est que ces hommes avaient besoin de vivre du positif dans la dureté de leur existence au front. Car, comme le résume si justement l’historien Eric Baratay, les mascottes ont eu un rôle important dans ce conflit en incarnant aussi la vie auprès des soldats & leur ont fait se rappeler l’existence antérieure, espérer dans le moment présent & croire en un futur meilleur, loin de la violence des guerres.

Des pilotes de la Royal Air Force avec leurs lapins sur le front ouest français

Sources & suppléments d’infos :

Bêtes de tranchées  : Des vécus oubliés d’Eric Baratay.

Les poilus oubliés de la Grande Guerre sur Eucalyptus Eater : ICI

Les animaux de compagnie & les mascottes sur Les Grands méchants loups, les jeunes reporters qui n’ont peur de rien : ICI

« Les animaux qui ont joué un rôle vital lors de la Première Guerre mondiale » sur Dailimail : ICI (anglais)

« 15 animaux qui sont allés à la guerre » sur Imperial War Museums : ICI (anglais)

« Mascottes militaires » sur New Zealand History : ICI (anglais)

« Les soldats animaux de la Première Guerre mondiale » sur Atlas Obscura : ICI (anglais)

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